Quelques notes sur le bauchérisme au Portugal

Antonio de Figueiredo

Un article de la revue Diana consacré aux courses à Evora comporte cet encart intitulé

Antonio de Figueiredo (important professeur d'équitation):

À ma connaissance, Antonio de Figueiredo était employé par le marquis de Niza pour monter les chevaux de sa maison. Celui-ci, reconnaissant chez Antonio de Figueiredo une grande intuition équestre, décida de l'envoyer en France pour fréquenter l'école d'équitation de Saumur, où il s'est vu décerner le Brevet d'Écuyer avec les plus hautes notes. À Paris il a travaillé quelque temps avec le professeur François Baucher, qui l'appréciait beaucoup pour ses capacités extraordinaires en équitation, dont il faisait preuve en permanence.

De retour au Portugal il dirigea une école d'équitation au Portugal, suscitant dans cette ville un grand enthousiasme pour l'hippisme. Il fut l'un des organisateurs des premières courses de chevaux à Evora. En 1871 il vint diriger l'école d'équitation au 60 Rua da Escola Politecnica (anciennement Manège des nobles). Cette école était fréquentée par la meilleure société de Lisbonne. Elle avait l'honneur des visites fréquentes de l'infant D. Augusto, non seulement pour monter ses propres chevaux, mais aussi pour assister aux leçons qui l'intéressaient le plus.

Ont été ses élèves: D. Antonio de Portugal, le comte de Fontalva, D. Antonio de Siqueira (S. Martinho), D. Francisco de Sousa Barreto (Rio Pardo), et beaucoup d'autres.

En 1873, Antonio de Figueiredo a transféré son école dans un bâtiment de la même rue, au 261, dont le manège a été construit expréssément à cette fin, sous le nom de «Club Equestre».

Diana, mars 1953

Francisco Eduardo de Barahona Fragoso, D. Francisco de Sousa Barreto, Dr. Antonio Izidoro de Sousa.

Miranda

Nuno Oliveira, dans un article paru le 11 décembre 1954 dans la revue Vida Rural, intitulé A «passage» e o piaffer – 2 fotografias – 50 anos de diferença, écrit ceci:

«Maître Miranda lisait, étudiait et pratiquait à fond le système de James Fillis.»

Il a prononcé devant moi, et quelques autres, l'affirmation suivante:

«Mon maître était un élève d'un élève de Baucher».

Jaime Celestino da Costa, autre élève bien connu de Miranda, parle de son maître dans la préface d'un livre publié par Michel Henriquet («Trente ans de notes et correspondances…»).

Écuyer de la Maison Royale où il aurait l'influence d'un élève de Baucher appelé Brunot et d'un général, Vito Moreira, qui avait travaillé trois ans à Saumur […]

Il se disait «filiste» (comme c'était à la mode au Portugal) mais comparant le texte et les photos de Fillis avec le dressage de Miranda on s'aperçoit qu'il n'y avait rien de commun entre eux.

Mon maître était un artiste instinctif, sûrement un autodidacte, un écuyer de tradition nationale […]

Miranda ne suivait aucune «méthode» ni aucun des livres classiques de l'équitation, lesquels, je pense, il ne connaissait pas, et certainement, ne possédait pas.

Deux témoignages qui concordent partiellement, et s'opposent malgré tout sur l'essentiel, c'est-à-dire la source profonde de l'inspiration de Miranda, à savoir les livres de Fillis pour Oliveira, l'instinct et la «tradition nationale» pour da Costa. On se gardera bien ici de trancher.

Michel Henriquet a écrit quelques phrases sur Miranda pour le public français. Par exemple en 1993 dans un article intitulé «Souvenirs du Maître Oliveira», il écrit que Miranda avait été le dernier écuyer de la Maison Royale Portugaise et tenant de l'équitation classique de tradition française, ce qui l'éloigne évidemment du bauchérisme comme du «filisme» puisque par «tradition française» Henriquet entend celle de l'école de Versailles! Voilà qui est plus qu'une contradiction avec les témoignages précédents… et que rien ne documente en réalité.

La famille da Cunha Menezes

Cette famille de cavaliers est connue pour deux de ses représentants qui se sont illustrés dans le domaine de la haute école. Il s'agit de don José Manuel, le père et de son fils lui aussi prénommé José Manuel. Cette famille a pu être décrite sur cinq générations de cavaliers (pas de cavalières?) dans l'article Cinco geraçaões de cavaleiros – A familia Cunha Meneses paru en 1954 dans la revue Vida Rural.

On ignore si José Manuel père a écrit sur l'équitation, mais José Manuel fils a pour sa part laissé de nombreux articles dont la plupart sont rassemblés dans Equitaçaõ – Meditaçaões de um Cavaleiro, ouvrage paru en 1949.

Cet ouvrage ne laisse aucun doute quant à l'appartenance de son auteur au bauchérisme, il s'en réclame de manière continue. Sa connaissance des ouvrages de Baucher, L'Hotte, Raabe, Faverot de Kerbrech, Fillis, semble très approfondie.

Ainsi trouve-t-on au tournant d'un des chapitres du livre une discussion sur la validité des flexions de Baucher, dont Fillis a pu mettre l'utilité en doute, d'où j'extrais ce paragraphe:

On critique sans pitié François Baucher, sans conteste le plus grand écuyer de tous les temps en se faisant de lui une idée totalement différente de celle qu'on aurait si l'on avait lu avec attention et pratiqué avec avec le soin nécessaire pour recueillir ses enseignements infinis.

Voilà une phrase qu'on aurait d'ailleurs tout-à-fait pu entendre dans la bouche d'Oliveira, lui qui évoquait souvent Baucher comme «le plus grand génie équestre de tous les temps».

Concernant les flexions de mâchoire, Menezes s'intéresse à la critique qu'en offre Fillis, reprochant à Baucher d'exécuter les flexions avec la nuque et la base d'encolure trop basses. Menezes réfute cette accusation et va jusqu'à montrer que les illustrations de la flexion bauchériste chez Fillis sont tout simplement inexactes et sans doute trafiquées. Notons qu'Oliveira a lui aussi abordé cette question dans ses premiers écrits et que, s'il donne lui aussi raison à Baucher, c'est pour une raison différente: il considère que les flexions exécutées avec la nuque comme point le plus haut, comme le veut Fillis, sont de nature à contracter l'encolure, particulièrement chez le jeune cheval. La flexion bauchériste, réalisée sans souci de relever l'encolure et la nuque, permet seule selon lui la décontraction du jeune cheval.

Les portugais discutent aussi de l'opposition entre aides diagonales et aides latérales. Mais ils refusent d'en faire une opposition importante et prèchent plutôt pour une complémentarité.

Dans les premières décennies du vingtième siècle, le bauchérisme est donc très vivant au Portugal, il semble même l'ètre plus qu'en France où seul un Beudant s'en réclame encore vraiment, parmi les écuyers d'élite.

Qu'on ne déduise pas de ces quelques remarques que le bauchérisme ait été alors très répandu parmi les cavaliers et écuyers portugais. Il y a ceux qui ne le connaissent pas, il y a aussi ceux qui, connaissant l'école allemande, la préfèrent ou la jugent indispensable pour qui veut pratiquer le dressage de compétition, et qui condamnent certains effets du bauchérisme. Le major Fernando Paes, officier de cavalerie à Mafra, est de ceux-là, qui reprend certains des arguments du général Decarpentry pour mettre ses lecteurs en garde contre la recherche d'une nuque très élevée et d'un cheval «dans la main», lui préférant le cheval «sur la main».

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Auteur: Jean Magnan de Bornier

Created: 2020-04-11 Sat 16:36

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